Le cycle du combustible et ses installations

  • Publié le 03.11.2022

  • Modifié le 24.06.2024

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Schéma du cycle du combustible et de ses installations

Les différentes modalités de gestion du combustible nucléaire

La gestion du combustible désigne l’ensemble des opérations industrielles associées à la fabrication des assemblages de combustibles nucléaires neufs pour la production électronucléaire et à la gestion de ces derniers après leur irradiation en réacteur.


Deux grandes options de gestion du combustible sont possibles, avec des déclinaisons intermédiaires :

La gestion sans retraitement des combustibles usés : Il s’agit de la mise en œuvre d’une stratégie de gestion du combustible nucléaire sans retraitement des combustibles usés. Dans ce cas, les matières contenues dans les combustibles usés ne sont pas recyclées et les combustibles usés sont stockés. Cette gestion est dite en « cycle ouvert ».

La gestion avec retraitement des combustibles usés : Il s’agit de la mise en œuvre d’une stratégie de gestion du combustible nucléaire pour en extraire le plutonium et l’uranium, et utiliser en totalité ou partiellement ces matières pour fabriquer de nouveaux combustibles. Cette gestion peut se décliner de plusieurs façons. Le recyclage peut être partiel, en ne recyclant qu’une seule fois les combustibles usés dans le cas du « mono-recyclage » par exemple. Il peut aussi être total ; dans ce cas les combustibles usés sont recyclés plusieurs fois après chaque passage en réacteur (« multi-recyclage »).

Le choix français : le recyclage des combustibles usés

En France, le traitement-recyclage du combustible usé remonte à 1958, date à laquelle l’usine d’extraction du plutonium de Marcoule, dénommée UP1, a été mise en service. Celle-ci permettait de retraiter les combustibles usés des réacteurs de la filière UNGG (uranium naturel-graphite-gaz) afin d’en extraire le plutonium à des fins civiles et militaires. Pour pallier une éventuelle défaillance d’UP1, une nouvelle usine de retraitement, dénommée UP2-400 a été mise en service en 1966 sur le site de La Hague.

Parallèlement, les projets de réacteurs à neutrons rapides Phénix et Superphénix ont été lancés dans l’optique de permettre à la France de fermer son cycle en contrôlant son inventaire de plutonium, en maîtrisant sa production de déchets ultimes et en assurant son indépendance énergétique. Les installations du cycle s’adaptèrent à cette stratégie. Le site de La Hague fit l’objet d’importants travaux pour augmenter sa capacité de traitement avec la construction des nouvelles unités de traitement UP3 et UP2-800, qui entrèrent respectivement en service en 1990 et 1994.

Dans les années 2000-2010, le périmètre de l’activité de retraitement a évolué. Les capacités de traitement d’UP2-800 et d’UP3 ont été augmentées. Par ailleurs, les activités de démantèlement des installations les plus anciennes ont commencé en 2009, notamment l’usine UP2-400.

Le cycle du combustible mis en œuvre actuellement en France

Le retraitement des combustibles nucléaires usés et le recyclage des matières fissiles qui en sont issues introduit un « cycle » à l’intérieur de la chaine des opérations qui se succèdent pour alimenter les réacteurs nucléaires en combustible.
Dans cette perspective, les opérations comprises entre l’extraction du minerai d’uranium et la fabrication du combustible constituent l’amont du cycle. Celles qui vont de l’utilisation du combustible en réacteur, en passant par son retraitement et son recyclage jusqu’à son stockage le cas échéant, constituent l’aval du cycle.

L'amont du cycle

Afin de permettre la fabrication de combustibles utilisables dans les réacteurs, le minerai d’uranium doit subir un certain nombre de transformations chimiques, qui constituent l’amont du cycle :

  • L’approvisionnement en uranium naturel issu de l’exploitation des gisements d’uranium. Le minerai d’uranium extrait des mines est traité chimiquement et mis sous la forme d’un concentré solide d’uranium contenant 70 à 80 % d’uranium appelé « yellow cake » ;
  • La conversion, qui consiste à transformer les concentrés d’uranium naturel en hexafluorure d’uranium (UF6) ;
  • L’enrichissement, qui consiste à porter la concentration naturelle en uranium 235, matière fissile, de 0,71 % à une valeur comprise entre 3 et 5 %. De cette étape sont issus de l’uranium enrichi et de l’uranium appauvri (Uapp) ;
  • La fabrication des assemblages combustibles ;

La France dispose de plusieurs usines pour chacune de ces étapes : usines de conversion de Malvési et usine d'enrichissement GB2 sur le site du Tricastin, exploitées par Orano, ainsi que l’usine de fabrication de combustible nucléaire de Romans-sur-Isère exploitée par Framatome.

L'aval du cycle

Les assemblages de combustibles irradiés dans les réacteurs nucléaires sont traités dans les usines de retraitement de La Hague, exploitées par Orano. Les usines de retraitement comprennent plusieurs unités industrielles, chacune destinée à une opération particulière.

À leur arrivée, les combustibles irradiés sont entreposés sous eau, dans des piscines, pour refroidissement. Ils sont ensuite cisaillés et dissous dans de l’acide nitrique afin de séparer les fragments de gaine métallique du combustible usé. Les morceaux de gaine, insolubles dans l’acide nitrique, sont transférés vers une unité de compactage et de conditionnement. La solution d’acide nitrique comprenant les substances radioactives dissoutes est quant à elle traitée afin d’en extraire l’uranium et le plutonium et d’y laisser les produits de fission et les actinides mineurs.
Après purification et concentration, l’uranium est entreposé sous forme de nitrate d’uranyle. Il est converti sous forme solide d’oxyde d’uranium dans une installation de conversion, TU5, sur le site du Tricastin.

Après purification, concentration, puis mise en œuvre de procédés chimiques et thermiques, le plutonium est entreposé sous forme d’oxyde de plutonium, dans l’attente de son utilisation dans l’usine Melox, exploitée par Orano à Marcoule pour la fabrication du combustible MOx.
Les solutions de haute activité, contenant les produits de fission et les actinides mineurs issus du retraitement sont concentrées, calcinées puis vitrifiées et conditionnées en colis standards de déchets vitrifiés (CSD-V).

Les matériaux métalliques constitutifs de la structure de l’assemblage du combustible usé (coques et embouts) sont isolés, décontaminés puis compactés en ligne et conditionnés sous la forme de colis standards de déchets compactés (CSD-C).

Ces déchets (CSD-C et CSD-V) sont des déchets radioactifs à vie longue et sont actuellement entreposés dans des installations dédiées sur le site de La Hague, dans l’attente d’une solution définitive de stockage (Cigéo).

Les opérations de retraitement produisent des effluents liquides et gazeux, qui font l’objet de traitement avant d’être rejetés, après contrôle, dans le respect des limites autorisées par l’ASN.

Les cycles du combustible à l'international

Pays ayant adopté une stratégie de « cycle fermé »

Le Japon a de longue date fait le choix du cycle fermé avec retraitement du combustible usé et utilisation de combustible MOx dans un certain nombre de réacteurs. Jusqu’en 2005, le retraitement était réalisé au Royaume-Uni et en France en attendant le démarrage de l’usine de retraitement de Rokkasho. Cette dernière a fait l’objet d’un examen de sûreté en 2020 et il est maintenant prévu qu’elle démarre dans les prochaines années. Les réacteurs japonais sont actuellement en phase de redémarrage après avoir été arrêtés suite à l’accident de Fukushima. 12 réacteurs pourraient utiliser du combustible MOx d’ici 2030.

La Chine dispose d’une capacité de production nucléaire de 52 GWe à fin 2022. La politique de cycle fermé est clairement affichée par les autorités chinoises comme un objectif, même si le combustible nucléaire usé n’est actuellement pas retraité. La Chine dispose d’installations pilotes de retraitement du combustible et envisage de se doter d’usines de grande capacité de traitement-recyclage. En parallèle, la mise au point de technologies nationales se poursuit.   

La Russie revendique une stratégie de cycle fermé fondée sur l’utilisation de combustible uranium-plutonium de type MOx et "Remix" dans des réacteurs thermiques et rapides. Dans ce cadre, la pays a prévu de créer une nouvelle installation pilote de retraitement du combustible. Une installation plus ancienne fonctionne également sur le site de Mayak.

L’Inde souhaite disposer d’un cycle fermé fondé sur des réacteurs à neutrons rapides et thermiques pour valoriser le combustible usé. L’Inde est actuellement dotée de réacteurs à eau lourde sous pression mais également de réacteurs à eau légère VVER-1000 de conception russe (respectivement deux et quatre en exploitation). Un prototype de réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium (RNR-Na) de 500 MWe est en cours de construction et doit servir de base au déploiement de plusieurs réacteurs de type RNR-Na. L’Inde dispose en outre d’usines de retraitement du combustible et d’installation de fabrication de combustible MOx. L’utilisation de combustibles au thorium, pour lequel l’Inde dispose d’abondantes ressources, fait également l’objet de travaux.

Enfin, pour des raisons politiques, les pays européens ayant eu recours au retraitement de leur combustible usé par le passé ont cessé cette politique à titre temporaire ou définitif.

Pays ayant adopté une stratégie de « cycle ouvert »

Historiquement, les États-Unis ne souhaitent pas mettre en œuvre la solution de traitement-recyclage des combustibles usés, au regard de risques qu'ils expriment en matière de non-prolifération. À ce stade, l’entreposage de longue durée est la solution adoptée, sans offrir toutefois une solution de long terme à la gestion du combustible usé.

Au Royaume-Uni, les installations de retraitement du combustible usé ont été arrêtées, de même que l’usine de fabrication de MOx de Sellafield. Le combustible usé non retraité est actuellement entreposé et il est prévu à terme de le stocker dans un site en couche géologique profonde. Il est actuellement prévu que l'inventaire de plutonium séparé britannique soit immobilisé puis stocké définitivement.

À l’heure actuelle, la Corée du Sud entrepose sans retraiter ses combustibles usés. Une solution nationale de retraitement par pyroprocédé est en cours de développement mais n’est pas mature sur le plan industriel. Le stockage du combustible usé est une solution envisagée par le gouvernement coréen.