La gestion des matières radioactives

  • Publié le 14.11.2022

  • Modifié le 24.06.2024

Partager la page

Les données essentielles

Contrairement à un déchet radioactif, une matière radioactive est une substance radioactive pour laquelle une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée, le cas échéant après traitement (article L. 542-1-1 du code de l’environnement). Les principales matières sont l’uranium (naturel, de retraitement, enrichi ou appauvri), le plutonium, le thorium et les combustibles nucléaires, neufs et usés. 

Les matières radioactives sont entreposées, de manière temporaire et en attente de leur valorisation, dans des installations adaptées à leur niveau d’activité radioactive. Le niveau d’exigence relatif à la sûreté, la radioprotection et la protection de l’environnement est le même que les substances radioactives soient considérées comme des matières ou des déchets.

Le statut de matière radioactive dépend essentiellement du caractère raisonnablement valorisable de la substance, tenant compte de la stratégie industrielle du propriétaire et de la politique énergétique. Les conditions de valorisation des matières radioactives doivent donc être périodiquement revues en fonction notamment des évolutions de la politique énergétique ou des avancées techniques.

À cette fin, le code de l’environnement (article D. 542-82) prévoit que les propriétaires de matières radioactives élaborent un document présentant les perspectives de valorisation de ces matières. Le caractère valorisable des substances radioactives est évalué à chaque édition du PNGMDR par le ministre chargé de l’énergie après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire émis sur les documents remis par les propriétaires de matières. 

 

L’uranium naturel est un métal radioactif naturellement présent dans certaines roches sous forme de minerai. Il est extrait, traité et converti sous forme d’un concentré solide d’uranium appelé "Yellow Cake". Près de 8 000 tML/an d’uranium naturel sont nécessaires au besoin du parc nucléaire français. Il ne subsiste aujourd’hui aucune mine d’uranium en exploitation en France. La totalité de l’uranium naturel est ainsi importée.

L’uranium naturel enrichi (UNE) est obtenu en augmentant la concentration en uranium 235 de l’uranium naturel. 

L’uranium appauvri (Uapp) est obtenu lors de l’enrichissement de l’uranium naturel. Transformé en matière solide, chimiquement stable, incombustible, insoluble et non corrosif, il se présente sous la forme d’une poudre noire. Près de 7 000 tML/an sont produites.

L’uranium de retraitement (URT) récupéré lors du retraitement des combustibles usés peut servir à la fabrication de nouveaux combustibles. 

Le plutonium est un élément radioactif artificiel produit par le fonctionnement des centrales nucléaires. Il est ensuite utilisé dans la fabrication de combustibles à base d’oxyde mixte d’uranium et de plutonium pour les réacteurs à eau pressurisée (REP) ou à neutrons rapides (RNR). 

Orano et Solvay sont propriétaires d’environ 8 500 tML de thorium, sous forme de nitrates et d’hydroxydes. Ces substances sont entreposées sur les sites de La Rochelle et de Cadarache. Le thorium n’a pas d’utilisation établie à l’échelle industrielle aujourd’hui, mais plusieurs perspectives d’utilisation ultérieure sont identifiées par Orano et Solvay. 

Les combustibles des réacteurs nucléaires de production d’électricité

Le combustible des réacteurs à eau pressurisée (REP) à l’uranium naturel enrichi (UNE), à base d’oxyde d’uranium, est utilisé dans l’ensemble des réacteurs du parc actuel. Près de 1 080 tML d’UNE sont utilisées chaque année. Le combustible UNE usé peut être retraité afin d’en extraire le plutonium pour fabriquer du combustible MOx. Le retraitement de l’UNE usé produit également de l’uranium de retraitement (URT). 

Les différents réacteurs électronucléaires et leurs combustibles  :  matières radioactives et leur utilisation actuelle et future :
ⒸDGEC

Transcription textuelle

Ce schéma présente les différents types de combustibles usés ainsi que les matières à partir desquelles ils sont produits. Il présente par ailleurs le type de réacteur dans lesquels ces combustibles peuvent être utilisés et l’état actuel de leur utilisation.
On retrouve ainsi le combustible UNE fabriqué à partir d’uranium naturel enrichi, ainsi que le combustible MOX fabriqué à partir d’uranium appauvri et de plutonium. Ces deux combustibles sont ceux qui font actuellement l’objet d’une utilisation dans les réacteurs à eau pressurisée (parc actuel et EPR).
Ensuite, est présenté le combustible URE, fabriqué à partir d’uranium de retraitement enrichi. Ce combustible fait l’objet d’une utilisation dans le même type de réacteurs que les deux combustibles précédents, mais actuellement interrompue, avec un projet de reprise à l’horizon 2023.
Le dernier combustible pouvant être utilisé dans les réacteurs à eau pressurisée est le MOx 2. Il est produit à partir de combustible MOX, de combustible UNE et d’uranium naturel enrichi, mais n’est pas encore utilisé.
Enfin, le combustible RNR qui peut être utilisé dans les réacteurs de quatrième génération à neutrons rapides n'est pas encore utilisé. Ce dernier est produit à partir d’uranium appauvri, de plutonium et d’uranium de retraitement enrichi.

Le combustible REP à l’uranium de retraitement réenrichi (URE) à base d’oxyde d’uranium provient de l’enrichissement de l’uranium de retraitement (URT). En France, les quatre réacteurs de Cruas sont autorisés à utiliser des combustibles URE. L’introduction de nouveaux combustibles URE dans ces réacteurs avait été interrompue depuis 2013, mais EDF y a de nouveau recours depuis 2024. Le plutonium que contient ce combustible pourrait être utilisé pour alimenter des réacteurs de 4ème génération à neutrons rapides (RNR).

Le combustible mixte REP à l’uranium et au plutonium (MOx) est fabriqué à partir de plutonium issu du retraitement des combustibles UNE usés et d’uranium appauvri. EDF utilise actuellement les assemblages MOx dans 22 réacteurs de 900 MWe. Près de 120 tML de MOx sont consommés par an en France.

Le combustible des réacteurs de 4ème génération à neutrons rapides (RNR) à base d’oxyde mixte d’uranium et de plutonium. Ce combustible, qui n’est plus fabriqué aujourd’hui, a notamment été utilisé dans les réacteurs à neutrons rapides Phénix et Superphénix, aujourd’hui en démantèlement. Il pourrait être à nouveau fabriqué pour un éventuel parc de réacteurs de 4ème génération à neutrons rapides (RNR). 

Les différentes matières radioactives, leur quantité et leur utilisation actuelle et future
Nature des matières Quantité sur le territoire français à fin 2020 en tML Usages prévus ou envisagés
Uranium naturel et enrichi 43 190 Fabrication de combustibles UOx et MOx
Uranium appauvri 324 000

Fabrication de combustible MOx. 

Valorisation par ré-enrichissement réalisée, faisabilité de son utilisation dans les réacteurs de 4ème génération à neutrons rapides démontrée à l’échelle industrielle

Uranium de recyclage issu du traitement des combustibles usés 34 100 Utilisation industrielle établie pour l’URT issu du traitement des combustibles UOX usés (recyclage en combustible URE)

Combustibles à base d’oxyde d’uranium (UOx et URE)

(neufs, en cours d’utilisation, en attente de traitement)

16 381

Usage industriel établi pour les combustibles neufs UOx et URE.
Traitement et valorisation à l’échelle industrielle établie des combustibles UOx usés.

Faisabilité du traitement des combustibles URE usés démontrée à l’échelle industrielle (réacteurs de 4ème génération à neutrons rapides)

Combustibles à base d’oxyde mixte d’uranium et de plutonium (MOx, RNR)

(rebuts de fabrication, neufs, en cours d’utilisation, en attente de traitement)

3 015 Après utilisation du combustible neuf, faisabilité démontrée à l’échelle industrielle (réacteurs de 4ème génération à neutrons rapides)
Plutonium 60 Utilisation industrielle établie pour le plutonium issu du traitement des combustibles UOx usés (recyclage en combustible MOx)
Thorium 8 564 Pas d’utilisation industrielle à ce jour
Développement industriel en cours pour les besoins de la médecine.
 

 

Source : Inventaire de l’Andra « les essentiels » édition 2022

Les actions menées dans les précédents PNGMDR 

Dès le premier PNGMDR, la possibilité que les matières radioactives puissent être requalifiées comme déchets a été étudiée. À ce titre, les études menées dans le cadre du PNGMDR 2010-2012 ont conclu que les caractéristiques suffisantes du milieu géologique pour le stockage de l’uranium appauvri étaient globalement similaires à celles recherchées pour le stockage des déchets FA-VL ; et que pour l’URT et le thorium, le stockage en subsurface pourrait constituer un mode de gestion dans le cas où ils seraient requalifiés en déchets. La profondeur des stockages alors envisagés par les producteurs dans ces études les rend toutefois vulnérables à l’intrusion humaine et aux phénomènes naturels susceptibles de survenir sur le long terme.

Dans le cadre du PNGMDR 2013-2015, les propriétaires de matières radioactives ont réévalué le caractère effectivement valorisable des matières radioactives. Il ressort que l'inventaire français d’uranium appauvri est élevé. Les propriétaires de matières radioactives ont dû approfondir la réflexion sur les options de gestion en cas de requalification de ces matières en déchets. 

Les travaux menés dans le cadre de la 4ème édition du PNGMDR ont renforcé l’analyse des impacts liés à une requalification comme déchets de certaines matières (études sur la faisabilité et les coûts associés au stockage de l’uranium appauvri, de l’uranium de retraitement et des substances thorifères, ainsi que des combustibles usés). Les études ont montré que la valorisation de l’uranium appauvri ne permettrait pas, actuellement, d’en contenir l'inventaire. EDF a indiqué qu’afin d’assurer la valorisation de son inventaire d’URT, son recyclage sera relancé dans la centrale de Cruas-Meysse. A court terme, Orano envisage principalement une utilisation du thorium pour des applications médicales.

Enjeux restants à résoudre

Il apparaît nécessaire, au regard des précédents PNGMDR et des travaux préparatoires à la 5ème édition, de renforcer le caractère effectivement valorisable des substances radioactives aujourd’hui considérées comme matières. Parallèlement, les études sur les solutions de gestion des matières en cas de requalification comme déchets demeurent à poursuivre. 

De ce fait, le cinquième PNGMDR donne plus de visibilité sur les perspectives de valorisation des matières et précise le cadre d’analyse de l’autorité administrative pour l’exercice de sa faculté de requalification des matières en déchets. 

Consulter la partie du PNGMDR 2022-2026 dédiée à la valorisation et à l’anticipation de la requalification comme déchets des matières radioactifs.